EN CORPS, Le dernier film de Cédric Klapisch

Cédric Klapisch nous offre ici un récit de vie aussi poignant qu’original : Élise, jeune danseuse classique brillante et promise à un grand succès, voit sa vie basculer le soir où elle chute en pleine représentation de l’opéra dont elle est l’héroïne. Son quotidien s’écroule, son avenir s’assombrit et toutes les relations de sa vie défilent sous ses yeux : son couple meurt de l’infidélité de son petit ami, ses relations amicales s’enferment dans le cadre de l’opéra, son père refuse de reconnaitre l’artiste qu’elle est… Élise, bloquée dans son corps, est alors contrainte de se faire face : quelle est sa place ? sa mission d’artiste ? peut-elle choisir sa destinée ?

C. Klapisch réussit le tour de force de mettre en lumière la beauté et l’énergie des corps qui dansent, avec subtilité, passion et délicatesse. L’esthétisme accordé aux images et à la réalisation est une ode à notre rapport à notre corps et à notre santé. Le corps de l’artiste est son premier outil de travail, mais ce n’est pas pour autant qu’il en prend soin. Ici, la vie bouscule Élise jusque dans sa chair, pour lui donner une leçon de vie. Comme pour chacun de nous, un signal physique qui devient une opportunité d’un acte de résilience pour réorienter sa vie : Élise, qui ne jurait que par la danse classique, se surprend à déployer son pouvoir d’expression dans la danse contemporaine.

C’est d’ailleurs la fragile et magnifique alliance de ces deux familles de danse, qui sublime l’intelligence de ce film. Là où les contraires et les cultures pouvaient apparaitre opposées, C. Klapisch nous montre que tout peut faire sens quand on construit des liens. Derrière chaque type de danse, il reste LA danse. Celle qui permet à chacun de mettre son corps au service de ses émotions, de l’épanouissement de sa singularité et de son authenticité.

La sincérité du film puise aussi dans la grande originalité de son casting : les personnages principaux sont réservés à des professionnels de la danse et de la chorégraphie (M. Barbeau et H. Shechter, très justes), tandis que les « têtes d’affiche » se concentrent sur les personnages secondaires (M. Robin et P. Marmaï nous bouleversent). La chorale des acteurs nous donne un joyeux ballet de sentiments, ce qui rajoute au réalisme de l’histoire. Le film donne la part belle à la puissance du collectif au sein des compagnies, et prouve que c’est en s’abandonnant avec confiance dans un groupe reconnaissant que l’on peut se dépasser.

Finalement, ce film nous pousse à comprendre que rêver et vivre véritablement ses relations avec ses émotions et son corps, est au moins aussi important que de réaliser ses rêves. Nous sommes tous comme Élise, dépositaires d’une nature unique dont le monde a besoin ! A nous donc d’exprimer pleinement qui nous sommes !

Hubert Myon – Acteur, médiateur