Colloque « La médiation, levier de la transformation sociétale »

La médiation du futur

Nous sommes le 9 décembre 2024 au Palais du Luxembourg, à quelques mètres du Sénat. 6 ans après la remise du livret blanc de médiation au Palais Bourbon par le collectif de Médiation 21, s’est tenu – sous le parrainage de Madame Dominique VERIEN, Sénatrice de l’Yonne – un colloque au titre prometteur : « la médiation, levier de transformation sociétale ».

Ce rassemblement se veut résolument tourné vers l’avenir, s’appuyant sur des témoignages et des perspectives de développement de la médiation en France, dans différents champs sociétaux : au travail, en santé publique, en matière environnementale, dans la cité, au service de la citoyenneté et du vivre ensemble. Dans le sillage des États Généraux de la justice et du lancement de la politique de l’amiable orchestrée par le ministère de la justice, le colloque vise à réunir prescripteurs et médiateurs ainsi que les associations de médiateurs, acteurs clés du terrain de l’amiable.

Bertrand Delcourt, médiateur et administrateur de Médiation 21, organisatrice du colloque, lance la journée avec une question essentielle : « Faisons-nous encore société ? ». Ce qui émerge rapidement, c’est que nous faisons aujourd’hui face à des turbulences et des violences liées à la multiplication des crises internes et internationales qui impactent nos vies tant professionnelles que personnelles.

Prenons le temps de la réflexion, nous dit-il, essayons de trouver ensemble, et dans différents domaines, des possibilités de sorties, des voies et moyens qui mèneraient à une reconnaissance mutuelle et qui ouvriraient sur de nouveaux possibles.
Les médiateurs sont témoins de cette crise du vivre ensemble mais n’en sont pour autant pas des spectateurs impuissants. Ils œuvrent tous, chacun à son niveau, à faire entendre la voix de la raison, du dialogue et à tracer la voie pour sortir du rapport de force.

Le constat est unanime, autant du côté des médiateurs que des prescripteurs : il y a nécessité à laisser un espace au dialogue, d’acculturer et de sensibiliser à la médiation. Ne serait-il pas possible d’aller plus loin en faisant de la médiation un levier de transformation dans notre société ?

Sous l’impulsion de Médiation 21, des intervenants issus d’horizons différents, experts chacun dans leur domaine d’activité, sont venus témoigner de la pertinence de la mise en place d’actions de prévention dans le cadre de changements, transformations, réorganisations. L’objectif ? Introduire des espaces de paroles libres au sein des organisations afin d’apporter une brique relationnelle dans les rapports humains. Un investissement durable pour toute entreprise, selon Eric Hurel DRH du Groupe RECORDATI.

Comme le rappelait Stéphanie Salen de la cellule de médiation interne à la Direction Générale des Finances Publiques, la médiation n’est pas en dehors du système, ajoutant qu’il est nécessaire de travailler à l’instauration de la confiance par des actions collectives car la médiation « permet de restaurer le pouvoir d’agir ». Travailler aussi sur l’être ensemble avant le faire ensemble dans une entreprise où tous les salariés sont partenaires et constituent une valeur ajoutée au travail collectif.

Dans le domaine de la santé publique, il y aussi urgence à retisser des liens tant au niveau de la prise en charge des usagers qu’en interne, nous rappelle Claude Evin, médiateur et ancien ministre de la santé. Thomas Pretot, directeur médiation-France chez Clariane, explique que dans ce domaine, il est essentiel de rappeler la complexité des situations et la pluralité des acteurs qui rendent l’intervention des médiateurs nécessaire à tous les niveaux, en curatif comme en préventif.

Laurent Eecke, directeur général du service prévention santé travail Corrèze-Dordogne, nous rappelle les chiffres : Les conflits coûtent entre 2 et 3 milliards d’euros et le 1/3 de ces conflits émane du monde du travail. Il y a là de véritables enjeux de santé publique. Prescripteurs, médecins du travail et psychologues, tenez-vous prêts : la médiation est un outil aux pouvoirs insoupçonnés, à utiliser sans modération !

L’environnement n’est pas en reste. L’urgence est à l’action. A travers le dialogue territorial, la médiation participe à recréer du lien et à s’intéresser à la vie des gens comme aux difficultés qu’ils rencontrent. Elle permet de poser un cadre et de faciliter le dialogue pour contribuer à gérer les risques et non de changer les normes ou les révolutionner. Comme nous le rappelle l’ingénieur du dialogue, Philippe Barret, dans sa méthodologie pour « faire dialoguer les savoirs » : la médiation a toute sa place dans la prévention et dans le cadre de l’aménagement du territoire.

Et bien sûr, quelle autre urgence que la crise démocratique pour mettre autour de la table les parties prenantes et ouvrir le dialogue ? Au commissariat du XXème arrondissement à Paris, on en sait quelque chose. Le dispositif de médiation mis en place depuis 3 ans en collaboration avec le CMFM** commence à porter ses fruits. « C’est utile et ça marche ! » nous confirme le commissaire Jacques Rigon.

L’éducation Nationale n’est pas en reste, Bruno Rotier, conseiller technique auprès du recteur à Strasbourg, témoigne sur les retours positifs du programme PHARE* mis en place dans les collèges pour lutter contre le harcèlement à l’école, fléau de notre époque. Prémices, peut-être, du développement généralisé de la médiation dans les établissements scolaires.

Entre deux tables rondes, une respiration. François Jullien philosophe, affirme que la médiation est bel et bien le plus vieux métier du monde et qu’« elle permet (à chacun) de redécouvrir son plein potentiel ». Elle permet d’opérer une transformation silencieuse, fait bouger et invite à se décaler, sans forcer, de la vérité à la viabilité. Toujours selon Jullien, elle dérange nos conceptions les plus acquises pour cheminer sans forcer et c’est bien là tout l’art du médiateur que d’inciter et de mettre en mouvement tout en élargissant le champ des possibles !

Last but not least, les vice-présidentes du Conseil National de la Médiation sous la houlette de leur présidente Madame Frédérique Agostini, ont fait un retour sur les propositions faites à ce jour concernant le recueil déontologique, le référentiel de formation et de référencement des médiateurs. A noter que la décision a été prise de ne pas considérer la médiation comme une profession réglementée. Affaire à suivre…

Médiateurs « humbles tisserands des liens » (selon Michèle Guillaume-Hofnung, professeur de droit et directrice de l’institut de médiation IMGH), prescripteurs, citoyens, dirigeants… nous n’avons plus d’autre choix que celui d’œuvrer ensemble pour « faire société » et permettre l’avènement de la cohésion sociale tant espérée. Les propos conclusifs de Bertrand Delcourt résonnent encore « La médiation permet de se figurer ce que notre société pourrait redevenir : un réseau de solidarités, un lieu d’attention où l’on respecte tant l’individuel que le collectif. »

 

Par Joëlle DUNOYER

Propos rédigés d’après le contenu du colloque « La médiation, levier de la transformation sociétale » qui a eu lieu au palais du Luxembourg-Paris, le 9 décembre 2024.

*PHARE.  https://www.education.gouv.fr/non-au-harcelement/phare-un-programme-de-lutte-contre-le-harcelement-l-ecole-323435

**CMFM Centre de Médiation et de formation à la Médiation https://cmfm.fr

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