M comme Médiation… et Marketing
par Parole de Médiateurs · 22 mars 2021
La médiation gagne du terrain. Pourtant, peu nombreux sont celles et ceux qui feront spontanément appel à un médiateur. Certes, tous les conflits ne sont pas susceptibles de trouver une issue via ce mode alternatif de gestion de conflit, mais un très grand nombre le peut. Comment donner un “visage” à la médiation, comment la rendre visible et désirable, comment implanter les MARC dans le conscient collectif ? Christel Schirmer nous propose une première réflexion sur ce sujet et vous invite à lui écrire pour faire part de vos expériences, avis et commentaires (1).
Les conflits sont partout : dans les familles, dans les entreprises et institutions, les associations, le voisinage… Les gens aspirent à la sérénité, à la paix, à l’harmonie. Nous allons enfin pouvoir apporter notre pierre à l’édifice et contribuer à rendre ce monde meilleur ! D’ailleurs, tous ceux à qui nous parlons de la médiation sont d’accord : “C’est génial, on en a tellement besoin !”
La dernière journée de la formation se termine dans une ambiance presque euphorique. Champagne ! Ça y est, nous sommes médiateurs ! Quelle aventure passionnante, cette formation… Quelle découverte, tous ces fabuleux outils de communication… Quelle prise de conscience, cette formidable posture neutre et impartiale du médiateur ! Oublié, l’avertissement du formateur : peu de médiateurs vivent de la médiation…
Premiers pas
Quelques mois plus tard, la réalité nous rattrape : ce n’est pas si facile que cela d’être médiateur indépendant. Malgré la distribution de flyers et les contacts pris avec les mairies, les entreprises et les institutions, et les quelques interventions lors de petits déjeuners et afterworks, le résultat reste maigre et nous avons effectué très peu de médiations. “Ah bon, il faut payer ? Je pensais que c’était gratuit !” – “Tu comprends, c’est allé trop loin, une médiation ne changera rien, c’est trop tard.” – “Moi, je veux bien, mais l’autre, ce n’est même pas la peine de lui demander ! De toute façon, il ne veut rien entendre…” Pourtant, nous expliquons bien tous les avantages de la médiation : “Le processus de la médiation est… ; en tant que médiateur je suis neutre et impartial… ; vous gagnez du temps, donc de l’argent… ; les parties restent les maîtres de leur conflit et de leur solution… ; 70% des médiations trouvent une solution…” Alors, quid des compétences de commercial et de communicant du médiateur ?
La question s’impose : la médiation est-elle une prestation comme une autre qui demande une commercialisation réfléchie, une stratégie marketing bien structurée ? Pour celles et ceux qui pensent que oui, voici quelques pistes de réflexion pour démarrer : les êtres humains pensent en images. Que voit votre œil intérieur lorsque vous entendez les mots suivants : “avocat, juge, procédure juridique, tribunal, loi, justice, etc.” ? Et à quoi pensez-vous lorsque vous entendez : “médiation, médiateur, processus, impartial, neutre, acteur du conflit, etc.” ? En tant que médiateur, vous savez de quoi vous parlez, vous avez fait des jeux de rôles durant votre formation. Vos interlocuteurs, non. Les personnes auxquelles vous vous adressez n’ont pour la plupart jamais assisté à une médiation. Vos explications, aussi claires et précises soient-elles, sont certes entendues, mais ne “s’accrochent” à rien de connu, ni visuellement, ni émotionnellement.
L’art d’accrocher le chaland…
Que font les publicitaires ? “Notre nouvelle voiture possède un moteur dernière génération d’une puissance révolutionnaire, des pneus en caoutchouc d’une excellente adhésion à la route et des portes coulissantes qui permettent de vous assoir confortablement et sans effort…” Une telle publicité vous donnerait-elle envie d’acheter cette voiture ? Ce que vous voyez à la télé ressemble plutôt à cela : une voiture dans un décor naturel fantastique, un coucher de soleil… Pas de paroles, mais une ambiance et peut-être un mot : liberté ! Sensations, émotions, rêves qui touchent des cordes sensibles en nous.
Nous, les médiateurs, oublions une règle importante lorsque nous promouvons notre service : un potentiel client ne s’intéresse pas à ce que nous voulons lui vendre, il s’intéresse à quelque chose qu’il aurait envie d’acheter et dont il pense avoir besoin – à n’importe quel prix. “La demande n’est pas le besoin.” En tant que médiateur, vous connaissez cette phrase. Vendre une médiation est notre besoin, pas celui de notre potentiel client. En clair, il s’en fiche de notre processus (le moteur révolutionnaire), du gain de temps (les pneus qui adhèrent à la route), de rester acteur de son conflit (les portes coulissantes). Notre potentiel client souhaite que nous lui parlions de lui, de son problème, de son conflit, de sa colère, de sa tristesse, de son désespoir, de sa haine, de son désir de justice, de son envie d’envoyer l’autre sur Mars. Pourquoi est-il prêt à payer cher un avocat durant des années s’il le faut pour arriver à ses fins ? Parce que l’avocat (image : personne en toge noir, livre de loi sous le bras, en plaidoyer pour le défendre) l’écoute, le fait rêver de sa victoire sur l’autre, ce qui correspond à son besoin que justice soit faite !
Pour une médiation adaptée au conflit
Vu sous cet angle, quel pourrait être un bon pitch pour le médiateur (2) ? Deux options : présenter l’activité en général ou présenter l’activité à une cible bien précise. Une cible ? Quel affreux langage ! Mais n’est-il pas important de s’adapter à son ou ses interlocuteurs ? Secteur scolaire, de santé, entreprise, institution, domaine patrimonial, interculturel, interreligieux – nous ne pouvons pas avoir le même discours.
D’ailleurs, quel est votre secteur de prédilection ? Voulez-vous faire des médiations, peu importe le domaine, où existe-t-il des secteurs qui vous inspirent plus que d’autres, des domaines qui vous passionnent, que vous connaissez bien ? Il serait intéressant de se poser ces questions et peut-être lister vos préférences pour réfléchir méthodiquement.
Cela mène à une autre question, souvent débattue : le médiateur doit-il connaître ou même être expert du sujet dont traite la ou les médiations qu’il conduit ? “Un bon médiateur peut médier n’importe quel sujet. Si lui ne sait pas, les parties elles, savent …” Je veux bien croire que des médiateurs expérimentés tels que Jacques Salzer, Gary Friedman ou d’autres peuvent autant médier un cas de voisinage que le conflit israélo-palestinien ou un conflit entre des membres du board d’une multinationale – mais vous et moi… je n’en suis pas sûre.
Se sentir légitime dans un domaine, par passion ou par expérience, me semble être un plus. Car lorsque nous nous présenterons, notre discours sera plus affirmé et notre interlocuteur le sentira. Nous serons plus convaincants et notre interlocuteur nous fera plus facilement confiance. Créer la confiance est la base de toute démarche commerciale. Savez-vous combien de fois, en moyenne, un commercial doit revenir vers un prospect avant que celui-ci se décide finalement d’acheter lorsque le besoin se fait sentir ? Au minimum cinq fois – et c’est là que réside le secret du succès : il n’abandonne pas après le premier ou deuxième essai. Il persévère avec tact, et pourquoi pas avec humour, et prouve ainsi sa constance, sa fiabilité et affirme sa présence sur le marché.
Écrivez-moi, vos contributions et la suite paraîtront au prochain numéro !
Par Christel Schirmer
(1) contact(at)christel-schirmer.com
(2) Décrire votre prestation en 1 min. pour donner envie à votre interlocuteur d’en savoir plus.
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