Die Mediation – Le magazine de la médiation en Allemagne

(Inter-médiés N°3)

LES MARL A TRAVERS LE MONDE
Inter∞médiés a interviewé les éditeurs de Die mediation, le docteur Gernot Barth et Bernhard Böhm, Master of Mediation  du Steinbeis Beratungszentrums GmbH à Leipzig.

Inter∞médiés : Monsieur Böhm et Monsieur Barth, qui êtes-vous ?

Gernot Barth et Bernhard Böhm : nous sommes tous deux actifs dans le monde de la médiation, en tant que médiateurs et formateurs. Il est important pour nous d’être sur le terrain, au bénéfice des médiés et de nos participants en formation. Notre institution est établie à Leipzig et à Stuttgart depuis presque quinze ans.
À ce jour, nous avons formé plus de 1 000 médiateurs. La plupart travaillent en entreprise ou en profession libérale en tant que consultant, coach ou formateur.

Quelques mots à propos de l’Institut Steinbeis ?

La Fondation Steinbeis existe depuis 1971 et jouit d’une renommée internationale dans le domaine du transfert de technologie.
Le Steinbeis Beratungszentrum GmbH (1) est un groupement d’entrepreneurs indépendants avec plus de 1 000 adhérents sur les cinq continents. Nous sommes spécialisés dans la médiation et les modes amiables de résolution des litiges (MARL) et faisons aujourd’hui partie des plus importants prestataires en matière de médiation face-à-face et en tant qu’institut de formation.

Comment a commencé l’aventure de Die mediation ?

Le premier numéro est sorti en 2012. L’idée de créer ce magazine nous est venue dans le train, entre Varsovie et Berlin. Notre constat était qu’il n’existait pas encore de publication sur le marché allemand traitant de la médiation, en dehors d’un point de vue purement juridique. Cette idée a fait son chemin et nous avons créé une rédaction à partir de… rien. De numéro en numéro, nous nous sommes professionnalisés. Die mediation est pour nous une affaire de cœur qui nous demande beaucoup d’engagement, de passion et aussi de travail.
Notre objectif était de concevoir un magazine spécialisé divertissant mais exigeant et indépendant, qui s’adresse aux médiateurs et médiatrices autant qu’aux personnes intéressées par la thématique des MARL. Nous ne voulons pas nager dans notre propre jus mais atteindre des cercles en dehors de notre propre sphère.
Nous souhaitons proposer un magazine passionnant, vivant et pratico-pratique qui donne envie d’être lu et conservé et non pas déposé dans la corbeille à papier.

Y a-t-il eu des expériences et des surprises positives ?

Nous avons été agréablement surpris par les encouragements reçus de tous les côtés, du monde de la médiation, mais pas que. C’est très important pour nous, car nous souhaitons répandre l’idée de la médiation, surtout en dehors du milieu.
Une expérience positive : la collaboration avec nos auteurs et auteures et avec notre conseil d’administration. Ils nous apportent beaucoup d’idées et d’inspiration. Ce qui est également positif, c’est la joie que nous procure ce travail. De la joie et aussi un peu de fierté, lorsque nous tenons entre nos mains la nouvelle édition de notre magazine. Cela nous motive et est seulement possible grâce au soutien des auteurs et du CA.

Y a-t-il eu des situations difficiles, des obstacles à franchir ?

Créer un magazine à partir de zéro, sans connaître grand-chose à l’industrie de l’édition, est déjà un handicap énorme. C’était un défi tout à fait nouveau et considérable et nous avons appris chaque jour plus que nous aurions imaginé.
La réalisation du projet Présence dans les kiosques en 2015 était un vrai challenge. Le marché des journaux est plus que saturé en Allemagne et il est difficile pour un nouveau venu de s’y faire une place. Il y a des moments où même les méthodes de résolution de conflits par la médiation ne suffisent pas – et il faut se battre pour avoir accès au marché.

Quels conseils pouvez-vous nous donner ?

Inter∞médiés a l’avantage d’être précurseur. Vous pouvez et devriez évoluer pour acquérir de la notoriété et devenir un influenceur en matière de médiation. Une revue spécialisée est un très bon moyen de promouvoir et de faire connaître la médiation, à condition de ne pas brider ses idées et s’imposer des interdictions de penser. 

Soyez créatifs et aussi pragmatiques. Vous aurez certainement besoin – c’est l’expérience qui parle – d’endurance et de persévérance. Ne vous laissez pas décourager par des revers, croyez en votre idée.

Quel est le paysage aujourd’hui de la médiation et des MARL en Allemagne ? 

Ce paysage est, comparé à d’autres secteurs, un paysage de consulting relativement peu ordonné. C’est seulement depuis la loi de 2012 sur la médiation que les principes fondamentaux d’une “médiation” ont été déterminés. Il existe beaucoup de médiateurs, mais peu travaillent exclusivement en tant que tels après leur formation. Et, de notre point de vue, ce n’est pas nécessaire, car leur seule existence contribue à faire évoluer le comportement face aux conflits dans notre société. Leur posture change et, même si la médiation n’est pas leur activité principale, ces personnes intègrent cette posture face aux conflits dans leur comportement quotidien et l’apportent sur leur lieu de travail et ailleurs.

Y a-t-il eu un changement depuis 2012 dans la société par rapport à la médiation et la gestion alternative des litiges ?

Nous observons une tendance très nette des demandes de médiation et de résolution alternative des litiges. Il y a cinq ans, il fallait dans 80 % des cas d’abord expliquer la différence entre médiation et méditation, ces temps sont révolus. Selon nous, cette évolution est logique : les processus décisionnels sont de plus en plus complexes et d’un point de vue politique, la société vit une fracture sociale. Les MARL contribuent à apaiser ces situations.  

Qu’est-ce qui pourrait être amélioré sur la planète médiation ?

La médiation obligatoire n’existe pas en Allemagne. Nous pensons néanmoins qu’elle serait utile dans certains secteurs juridiques. D’un côté, pour décharger les tribunaux et, d’un autre côté, pour mieux faire connaître la médiation en tant que méthode. Certains pays de l’Union européenne, comme l’Italie, ont déjà fait de bonnes expériences dans ce domaine.

Quelles évolutions seraient souhaitables pour promouvoir la médiation et les MARL ?

Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire de changer les mentalités pour promouvoir la médiation et les MARL. C’est aux médiateurs de se poser la question : comment présenter leur prestation à leurs clients de façon attractive ? Une étude menée par le gouvernement fédéral a récemment conclu que les médiations avaient plus de chances de succès lorsque les médiateurs s’écartent du processus classique tel qu’il est enseigné. Cela devrait donner à réfléchir aux hardliners (2) de la médiation. 
Ce qui compte, c’est que le client soit satisfait de la prestation. Un médiateur devrait être capable d’accorder cette indépendance d’appréciation au médié.

Vous êtes actuellement impliqués dans le projet Fomento (3), ayant pour but d’examiner les conséquences du règlement européen sur les successions internationales (4). De quoi s’agit-il ?

Une commission constituée de partenaires polonais, italiens et allemands examinera pendant deux ans de façon qualitative les expériences pratiques en matière de conflits successoraux transfrontaliers rapportés par des avocats, des juges et des médiateurs. Les objectifs de ce projet sont l’étude des conséquences concrètes du règlement européen sur les successions internationales, ainsi que le renforcement de la médiation en tant que moyen de prévention et de gestion des conflits successoraux.

Les points forts du projet seront la mise en place de formations d’experts, de conférences ainsi que la constitution d’un réseau d’experts qui sera l’interlocuteur central en cas de conflit successoral transfrontalier. 

Et, bien entendu, la France est un partenaire indispensable. Nous espérons créer des liens encore plus étroits – entre autres à travers le partenariat de nos revues qui promet des échanges passionnants.

Propos recueillis par Christel SCHIRMER

(1) Les entreprises Steinbeis ont atteint en 2016 un CA de 157 millions d’euros dans les secteurs suivants : recherche et développement, conseil et expertise, formation initiale et formation continue.
(2) Hardliner : ceux qui pensent qu’il faut respecter à la lettre le processus de la médiation tel qu’appris en formation.
(3) Projet Fomento : www.fomentonet.eu
(4) Règlement UE n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet  2012.

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Christel Schirmer est allemande et vit en France depuis 1980. Médiatrice depuis 2012, Christel est certifiée du CNAM Occitanie. En 2011, elle crée sa structure Christel Schirmer – Bâtisseur de Liens.

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