Les bonnes pratiques pour utiliser le brainstorming en médiation

Le brainstorming est la plus célèbre des méthodes de créativité.

Elle a été développée aux États-Unis dans les années 1940 par le publicitaire Alex Osborn et consiste à rechercher une multitude d’idées sans censure, pour faire émerger des solutions innovantes.

En médiation, on peut l’utiliser en phase III « Et si ? » , autour du tableau blanc. Mais comment faire un « bon » brainstorming ? Quelles adaptations au contexte de la médiation ?

Pour Arnaud Stimec et Sylvie Adijès, la phase de créativité est « trop souvent escamotée » en médiation en raison notamment des tensions entre les participants, d’une difficulté à sortir du cadre, de la confusion entre idée et proposition mais également de l’approche souvent fantaisiste des méthodes de créativité.

En effet, dans le contexte de la médiation, il n’est donc pas toujours facile d’introduire un brainstorming « traditionnel » autour d’un tableau blanc et d’en faire accepter les règles, surtout en plénière. Pour autant, la méthode repose sur des principes qui restent valables dans n’importe quel contexte, sous réserve effectivement d’une certaine adaptation.

Règles et critiques du brainstorming traditionnel

Même s’il a été conçu à l’origine pour trouver des idées publicitaires, le brainstorming permet de s’attaquer collectivement à n’importe quelle question. Cette méthode se rattache à la phase dite de divergence en créativité lors de laquelle on creuse toutes les pistes sans se demander si elles sont faisables et c’est seulement en phase de convergence que la sélection s’opère.

Le brainstorming doit suivre des règles strictes pour être efficace :

1. Identifier précisément le problème : La clarté de l’énoncé conditionne la réussite du brainstorming. On peut utilement introduire la session de façon ouverte en posant la question « comment pourrions-nous… ? »
2. Suspendre tout jugement et préciser cette règle en amont : toute évaluation, positive ou négative, est prohibée durant le brainstorming car cela ferait basculer prématurément en phase de convergence. Réfléchir sans censure est une condition essentielle de la créativité,
3. Rechercher la quantité d’idées et non pas (encore) la qualité : plus il y a d’idées, même les plus folles, plus il y a de chances de trouver des solutions qui pourront être sélectionnées en phase de convergence,
4. Construire sur les idées des autres : un participant peut avoir une idée folle qui deviendra une bonne candidate après avoir été remodelée par un autre. Par exemple, lancer l’idée d’un hélicoptère peut faire penser à un drone etc.

Ces principes peuvent être résumés par l’acronyme CQFD (Censure interdite, Quantité, Idées Farfelues, Démultiplication sur les idées des autres) . D’autres bonnes pratiques sont proposées par les spécialistes en créativité, comme Tom Kelley :

– Afficher les règles du brainstorming,
– Numéroter les idées, à la fois pour encourager le nombre ou atteindre un défi (trouver 20 idées sur un thème par exemple) et pour rebondir sur des idées sans perdre le fil,
– Utiliser l’espace pour afficher les idées d’une manière visible par tous, couvrir l’ensemble des murs ou des tables avec du papier par exemple pour que le groupe puisse exprimer ses idées le plus librement possible,
– Proposer d’arriver en séance de brainstorming après avoir réfléchi au problème en amont.

Mais attention, le brainstorming traditionnel n’a pas que des avantages :

• Il favorise les personnalités extraverties,
• Il peut générer de la paresse sociale (se reposer sur les autres) et de l’anxiété sociale (peur du jugement),
• L’encouragement des idées fantaisistes peut intimider ou décrédibiliser le processus, voire tourner au « n’importe quoi »,
• Il est sans doute moins efficace lorsque les participants sont mal à l’aise, et particulièrement en contexte conflictuel.

Variantes et adaptations du brainstorming en médiation

En médiation, la première bonne pratique est de solliciter l’accord des parties sur cette démarche et ses règles de fonctionnement.

Pour pallier les inconvénients du brainstorming traditionnel, plusieurs variantes ont été développées, qui peuvent faciliter le processus en médiation.

Le brainstorming à l’écrit

Commencer par le truchement de l’écrit, voire de l’anonymat quand les participants sont suffisamment nombreux, offre plusieurs avantages :

• Les participants ne subissent pas immédiatement le jugement des autres,
• Les personnalités moins dominantes peuvent s’exprimer aussi,
• Les idées ne sont pas influencées par l’orientation que prend le débat oral,
• Lorsque plusieurs participants ont la même idée, elle est mieux mise en valeur, d’autant que les personnes n’ont pas pu se concerter pendant leur réflexion,
• Le temps de réflexion est plus long, et on peut exprimer plus d’une idée à la fois.

Le plus simple est d’utiliser des notes adhésives de couleur : les participants écrivent une idée par note et le médiateur les réunit sur le tableau blanc puis les réorganise par thèmes sous forme de métaplan. C’est alors qu’une discussion à l’oral peut être engagée pour rebondir sur les idées et plus naturellement évoluer vers la phase de convergence.

Le brainstorming en solo

Le brainstorming en solo semble une démarche contre-intuitive puisque l’esprit est normalement de confronter les idées de différentes personnes. Néanmoins, s’astreindre aux règles du brainstorming quand on est seul aide à faire taire momentanément notre « censeur interne ».

Concrètement, un brainstorming en solo consiste à noter ses idées comme elles viennent, jusqu’à être à court (se fixer une durée minimum sans aucune censure), puis à creuser encore chaque idée en se posant des questions complémentaires :

– Comment cette idée pourrait-elle fonctionner ?
– Peut-on changer quelque chose ?
– Pourrait-on combiner des idées entre elles ?

En médiation, le brainstorming en solo peut être mené en aparté, guidé par le médiateur ou entre les séances (même si c’est plus difficile).

Le brainstorming est un outil essentiel pour stimuler la créativité en médiation et ouvrir le champ des possibles. Pour favoriser son intégration dans un contexte conflictuel, une certaine adaptation reste nécessaire, par exemple en utilisant ses variantes, comme le brainstorming à l’écrit ou en solo et en le distillant à différents moments de la médiation y compris en aparté ou en inter-séance.

Par Sylvia Israel.
Médiateure, ancienne avocate actuellement juriste dans le secteur public.

 La traduction française est « remue-méninges » mais elle ne rend pas suffisamment compte d’une acception essentielle du mot brainstorming qui signifie littéralement « cerveau(x) à l’assaut d’un problème » car il vient du verbe anglais to storm : attaquer, prendre d’assaut.
T. Fiutak, Le médiateur dans l’arène, Eres, éd. 2012
A. Stimec, S. Adijès,
F. Debois, A. Groff, E. Chenevier, La boîte à outils de la créativité, Dunod, 3ème édition, 2016, p. 90
T. Kelley, The Art Of Innovation, Doubleday, 1ère édition, 2001
A. Pekar-Lempereur, J. Salzer, A. Colson, Méthode de médiation, Dunod, éd. 2018

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