Frédéric PETIT : un député-médiateur

Aujourd’hui député des français établis à l’étranger (Allemagne, Europe centrale et Balkans), et depuis peu Secrétaire général adjoint du Parti démocratique européen, Frédéric PETIT défend l’idée que « la médiation est une priorité nationale ! »


INTER-Médiés a interviewé cet homme passionné et passionant au sujet de l’amendement pour la création d’un Conseil National de la Médiation, adopté cette semaine en Commision des Lois dans le cadre du projet de Loi pour la Confiance dans l’Institution Judiciaire

Le Conseil National de la Médiation en création

« La médiation, aujourd’hui, est un enjeu national ».
Frédéric Petit.

Médiateurs français ! La nouvelle d’un amendement pour la création d’un Conseil National de la Médiation ne vous a certainement pas échappé. Cet amendement vient couronner quelques années de travail en coulisse pour le collectif Médiation 21. Après la présentation à l’automne 2019 du Livre Blanc au législateur, une nouvelle étape clé est franchie avec l’amendement, porté jusqu’au sommet de l’État par Frédéric Petit, député de la 7ème circonscription des Français établis en Europe Centrale et Orientale dont l’Allemagne.

Intermédiés l’a rencontré pour un point d’étape à la veille de son passage dans l’hémicycle pour défendre l’amendement.

Intermédiés : Fréderic Petit, vous êtes député et médiateur. En quelques mots, comment êtes-vous arrivé à la médiation ?

Frédéric Petit : J’étais médiateur bien avant d’être député. Je n’ai pas du tout commencé ma carrière en politique. Je suis devenu député par un hasard des circonstances suite à mon implication au Modem dont je faisais partie depuis sa création, en tant que militant de base.

Avant cela j’ai passé 15 ans dans un projet social (ZUP), en tant que professionnel du travail social et associatif. J’ai ensuite changé de cap et préparé un diplôme d’ingénieur. A 36 ans, j’ai intégré Véolia qui en 97 s’appelait la Compagnie Générale des Eaux. S’en est suivi une carrière en énergie, réseaux de chaleur, environnement. J’ai passé quelques années comme directeur de la filiale des déchets en Pologne et me suis ensuite tourné vers le management des PME industrielles, ce qui m’a amené en Égypte.

Dans les années 90, les méthodes alternatives arrivaient en France et je m’y suis intéressé sur un plan professionnel. J’ai toujours évolué au milieu des conflits dans mon travail et je les gérais en faisant de la médiation sans le savoir.

J’ai suivi avec beaucoup d’attention la directive de 2008, et me suis aperçu que ce que je pensais être une méthode personnelle était en fait une réflexion très avancée dans certains pays. Il se trouvait qu’à ce moment-là, j’étais en Égypte où je manageais 1000 personnes pendant les révolutions. Le conflit est devenu mon quotidien. J’ai même été séquestré pendant une journée par les salariés. Nous avons discuté des heures et des heures et je m’en suis bien sorti. L’entreprise que je gérais existe toujours.

En 2014, je suis rentré d’Égypte et comme j’étais à mon compte et que j’avais un peu de temps, j’avais décidé de me former à la médiation à St Etienne. Je faisais tous les week-ends les allers-retours Varsovie(où j’habite)-St Etienne, c’est dire si j’étais motivé !

J’ai ensuite passé mon Diplôme Universitaire à Aix Médiation. Le sujet de mon travail portait sur  la médiation polonaise depuis 1991 : les polonais ont une obligation de médiation avant toute grève et cela m’intéressait…

C’est à ce moment-là que j’ai été élu député.

Au début, je m’étais éloigné de la médiation tout en restant en contact avec le collectif Médiation 21. Je trouvais que ce collectif était très intéressant, surtout dans un contexte un peu flou où l’on trouvait de tout et n’importe quoi, par exemple en termes de formation…

Dès le départ j’étais clair sur mes intentions avec Médiation 21 qui pour moi est un lobbying.

J’ai toujours dit que mes actes seraient ceux d’un député de la Nation Française.  C’est moi par exemple qui ais porté le Livre Blanc.  Je voulais introduire ce Livre Blanc au ministre de la justice, non pour donner une feuille de route, mais pour éveiller l’intérêt sur un métier et sur l’activité de médiateur. Rendre compte de ce qui se passe sur le terrain.

IM : Quelle a été votre position par rapport au Livre Blanc et le CNM ?

F.P Pour ma part, je défendais l’inscription du Conseil National de la Médiation dans la loi, ce qui n’étais pas obligatoire mais significatif pour ancrer cette pratique – oh combien nécessaire ! – pour la paix sociale. La médiation n’est pas une affaire entre petits groupes de médiateurs ou d’un milieu qui fait sa petite cuisine dans son coin… Dans une société où la violence commence à régner en maître et le dialogue est quasi absent, cela me semble de la plus haute importance et même, c’est un bienfait que moi-même, représentant du peuple français, souhaite ancrer dans notre société. Il s’agit de stipuler le fait que la médiation est un acte utile pour tous.

Depuis deux années, je suis en négociation avec mon groupe parlementaire pour faire passer cette loi à l’ordre du jour. Les différentes crises n’ont certainement pas fait avancer les choses comme je l’aurais souhaité. Après maintes discussions avec la présidente de la commission des lois, elle m’a informé qu’il va y avoir une grande loi sur la procédure judiciaire. C’est à ce moment-là que je rencontre le cabinet du ministre de la justice. Je peux dire que j’ai été très bien reçu et écouté. A vrai dire, le cabinet s’est battu pour ce conseil.

Au final, c’est un amendement gouvernemental qui est passé en commission, je ne pouvais pas le présenter tout seul car un député n’a pas le droit de créer des dépenses. Il y a des petites écritures qui nous gênent un peu, je l’avoue, mais je le présente en hémicycle la semaine prochaine.

IM : Tout ceci est en bonne voie ! Pouvez-vous nous dire de qui sera composé ce conseil national de la médiation et comment défendra-t-il les intérêts des médiateurs ?

F.P : La composition du CNM n’est pas dans la loi mais enverra à un décret. Il y aura des représentants d’associations de Médiation, des personnalités qualifiées (médiateurs), des membres du ministère de la justice etc…et non pas uniquement des énarques. Il ne s’agit surtout pas de professionnaliser la médiation car on ne peut pas vivre uniquement de cela et surtout, c’est contraire à la philosophie de la médiation.

La médiation peut être partout, nous pouvons avoir une fonction de médiateur à des moments très différents. Nous avons fait rajouter dans la loi la notion d’indépendance, c’est acquis ! Cela nous semblait important. J’aimerais cependant apporter un amendement sur une modification de l’article 21-1 du CPC qui définit la médiation. Jusqu’à présent, elle datait de 1995 avec des changements apportés au fil des ans et j’aimerais la remplacer par la définition actuelle de la médiation telle qu’elle est enseignée dans les formations aujourd’hui, plus fluide et précise. Le ministère m’a autorisé à faire quelques amendements qu’on appelle « de toilettage ». Par exemple, j’aimerais apporter un autre amendement pour que le CNM soit placé auprès du gouvernement et non du ministère de la justice pour démontrer que la médiation n’est pas uniquement un outil de justice.

IM : Y aurait-il un code de déontologie unifié ?

F.P : Cela me semble un peu réducteur et autoritaire de penser code unique. Le mot qui a fait l’unanimité, c’est le mot référentiel. L’administration actuelle a introduit ce mot dans les amendements que nous allons faire passer.  J’ai insisté pour rajouter au mot « référentiel » le mot « national ». Comme par exemple : « Référentiel National de la formation » ce qui donne une note plus unifiée mais non obligatoire. Il faut savoir aussi que ce CNM qui à créer aura un côté évolutif, rien n’est figé. C’est dans cet esprit-là que j’ai envie de continuer même si cela ne fait pas l’unanimité. J’ai eu des retours très positifs de gens qui étaient au départ vent debout. Le message que j’aimerais faire passer est que la médiation est une priorité nationale. Cela fait partie de mon job ! Le CNM, c’est la loi qui l’impose et la loi est faite par le peuple français.

Cela me semble légitime et logique et même s’il devait générer des peurs, ce seront des peurs positives pour aller de l’avant.

IM : Quelles sont les prochaines étapes clés ?

F.P : Rendez-vous à partir du 17 mai dans l’hémicycle. Un travail de structuration de la part de Médiation 21 sera fait. L’étape d’après sera une collaboration avec le ministère de la justice pour le décret.

IM : Les médiateurs vous écoutent, qu’attendez-vous de leur part ? De quelle façon peuvent-ils contribuer ?

F.P : Les médiateurs doivent se regrouper sur leurs intérêts communs. Il est important qu’ils ou elles comprennent que, quelle que soit la manière dont ils sont venus à la médiation, il est question, aujourd’hui, d’enjeu national.

Demain, comme il y a un boulanger pour acheter du pain, il y aura un médiateur pour régler les conflits à l’amiable. Ça doit devenir un réflexe !

Il n’y a qu’un seul endroit où il n’existe pas de conflits, c’est au cimetière ! Les conflits, c’est la vie… Le propre de l’homme est de résoudre ses conflits, mais on peut le faire sans vouloir détruire l’autre. Il y a au XXIème siècle une fonction qu’il est bon de connaître et de développer pour le bien de tous et pour sauver notre humanité.

Merci Fréderic Petit pour votre temps nous restons en contact pour la suite du projet et suivrons avec intérêt son évolution.

Propos recueillis par Joëlle Dunoyer et Christel Schirmer

Membres de la rédaction d’Intermédiés.

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