LA POLITIQUE DE L’AMIABLE

« Passer de la parole aux actes »

Retour sur les tables rondes organisées au ministère de la Justice le vendredi 13 janvier 2023.

Cette rencontre a pour objectif de lancer la politique de l’amiable avec pour but de « passer des paroles aux actes » à partir du constat selon laquelle la justice est trop lente et les justiciables ont besoin qu’on leur consacre du temps.Ces mêmes justiciables doivent devenir des citoyens acteurs de la résolution de leurs problèmes.

Le premier maillon de la chaîne est constitué par les Conciliateurs de justice.

Actuellement, il y a 2800 médiateurs de justice dont des avocats sur qui, avec les magistrats, repose la diffusion de l’amiable qui représente le modèle économique de l’avenir.

Le garde des Sceaux remercie les juridictions qui sont prêtes pour ce changement ainsi que les parlementaires qui portent des projets pour le développement de l’amiable.

Il précise que l’amiable n’est pas un outil de gestion des flux, c’est une révolution culturelle.  

Depuis le texte de loi du 8 février 1995, de nombreux textes sont venu renforcer les MARD dont la loi du 23 mars 2019 permettant au juge d’enjoindre les justiciables à rencontrer un médiateur. La création du CNM (Conseil National de la Médiation) représente également une avancée dans le développement de l’amiable, de changer de modèle et de responsabiliser les justiciables amenés à se réapproprier leur conflit.

L’objectif 2027 est de diminuer les dossiers à traiter de moitié.

Comment mettre au vert tous les feux de l’amiable ?

  • Obliger les personnes à aller voir le conciliateur en cas de litige inférieurs à 5000 euros. Une campagne de communication sur la conciliation se déroulera au cours du premier semestre 2023. L’indemnité forfaitaire allouée aux conciliateurs sera revalorisée.
  • Rendre la médiation plus lisible et accessible
  • Encourager toutes les actions permettant de fluidifier la communication sur l’amiable ;
  • Impliquer toute la profession d’avocats. Cela passera par la formation en vue d’un changement de culture. Ainsi, des formations communes à plusieurs professions seront encouragées ;
  • Revaloriser les barèmes (Aide Juridictionnelle …) afin que le recours à l’amiable soit mieux rémunéré ;
  • Créer une spécialisation du droit à l’amiable ;

Au niveau des magistrats qui sont au cœur de la politique de l’amiable :

  • Organiser des formations à l’ENM (Ecole Nationale de la magistrature) ;
  • Modifier les textes dans le Code de procédure Civile afin de les rendre plus lisibles tout en regroupant les MARD (Modes amiables de règlement des Différends) ;
  • Repenser la mise en état, audience technique au cours de laquelle le juge peut proposer le Mode de résolution amiable qui convient le mieux au problème.

Il appartient aux avocats de conseiller leurs clients afin de les orienter sur des délais raisonnables, leur proposer la Procédure Participative tout en permettant aux juges de piloter les dossiers. Les ressources procédurales doivent être utilisées avec intelligence.

Les justiciable auront notamment le choix entre deux outils de l’amiable :

  • La césure: Le problème sera tranché par le juge en droit puis traité à l’amiable.  La césure à la française sera présentée en détail.
  • L’audience de règlement amiable, sur le modèle québécois de la Conférence de règlement amiable pratiquée par les juges en activité ou à la retraite.

La culture de l’amiable doit se diffuser. Un comité de suivi fera le lien entre l’administration centrale et les juridictions. La justice se doit d’être plus proche, plus rapide et plus protectrice.

Première table ronde : La procédure participative de mise en état

La procédure participative est un acte de procédure d’avocat, outil d’administration amiable créé par J21 (justice du XXIème siècle).

C’est une mise en état participative intéressant les justiciables par :

  • Sa qualité (écoute des parties et mise en évidence du fond des choses)
  • Sa rapidité

La mise en état judiciaire ne doit être que l’exception donc il est utile d’inciter à tenter la procédure participative sans imposer. La procédure participative de mise en état étant une rencontre donc une occasion de dialoguer.

Deuxième table ronde : l’Audience de Règlement Amiable (ARA) par analogie avec la Conférence de Règlement Amiable (CRA)

La Conférence de Règlement Amiable existe depuis les années 2000 au Québec. Et se retrouve dans leur Code de Procédure Civile. Elle est proposée lors de la mise en état et est orientée cause et non loi. Elle est réalisée sur une journée maximum. C’est un moment d’humanité. En CRA, les parties ont le contrôle sur la solution.

Les avocats se doivent de collaborer en vue d’effectuer un travail stratégique jusqu’à mettre en évidence les paramètres de négociation appelés « le corridor de la raisonnabilité ».

Le juge est le facilitateur donc l’agent de facilitation. C’est un projet qui devrait redonner vie à l’article 21 du NCPC mais cela nécessite de former juges et avocats.

Troisième table ronde : La césure

La césure est une combinaison jugement/médiation.

Elle convient bien en cas de recours collectif ou en cas de partage. Elle présente l’intérêt de la rapidité et se base sur le principe de la coopération en dialogue avec les avocats.

C’est donc un jugement partiel répondant à un principe de dialogue et de proportionnalité. La césure nécessite une bonne connaissance des dossiers. Le juge statue une partie de la prétention. C’est une procédure équitable sans surprise dans laquelle les parties gardent la maîtrise de la procédure.

En conclusion

Les invités étaient, en très grande majorité, des juristes et l’objet des tables rondes concernait les modes amiables susceptibles de conduire au règlement du différend avant que celui-ci ne parte au judiciaire ou du moins au tout début de la procédure.

Au cours de cette réunion, ni le mot médiateur ni le mot médiation ne furent à l’honneur. Cela ne veut pas dire que la médiation soit bannie mais certains médiateurs peuvent s’étonner que n’ait pas été mis en évidence ce mode amiable abouti qu’est la médiation judiciaire. Peut-être le temps était-il trop réduit et a-t-il fallu faire des choix pour relancer la procédure participative et valoriser des modes amiables considérés comme des ajouts ou compléments comme l’audience de Règlement Amiable et la Césure ?

Le Garde des Sceaux a montré de la conviction, une volonté à mettre en place une politique de l’amiable. Comment et dans quel délai ? Rien n’est encore clair. Par certains articles de presse, nous avons appris que le ministère de la justice parlait au ministère de l’éducation nationale ce qui est une bonne nouvelle pour l’instauration d’une culture médiation. Par ailleurs, la notion de formation pour les juges et les avocats a été évoquée avec force, ce qui montre que l’amiable ne se décrète pas et qu’il est important que les acteurs du judiciaire changent de paradigme.

Si la culture de l’amiable se met véritablement en place, un changement de mentalité s’opérera entrainant un développement de la médiation conventionnelle essentiellement en prévention des différends. 

Une révolution culturelle utile pour la société ?

Par Gabrielle Planès

Présidente de Promédiation et Présidente d’honneur de l’ANM

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