Il est où le bonheur, il est où ?

Pour trouver le bonheur, il n’est pas nécessaire d’aller trop loin. Le chemin ne se trouverait-il pas là où nous le pensons ? Les neurosciences nous expliquent comment, grâce au cerveau, le bonheur est à la portée de tous !

C’est une bougie, le bonheur/Ris pas trop fort d’ailleurs/Tu risques de l’éteindre/On l’veut le bonheur, oui, on l’veut/Tout le monde veut l’atteindre/Mais il ne fait pas de bruit, le bonheur, non, il fait pas de bruit/Non, il n’en fait pas/C’est con le bonheur, ouais, car c’est souvent après qu’on sait qu’il était là…” (1)

En 2016, le chanteur Christophe Maé exprimait tout haut ce que chacun pouvait se dire. Nous sommes plus de 7 milliards d’individus sur Terre, avec autant de recherches et de réponses à cette question ! Ainsi, en 1972, le Bhoutan a inscrit dans sa constitution le “BNB” ou “Bonheur national brut” plutôt que le “PIB” (Produit intérieur brut). Pour les Nations unies, le bonheur (avec le bien-être et la santé qui en découlent) est le troisième objectif de développement durable sur une liste de dix-sept auxquels adhèrent les États membres voulant établir la parité entre le bien-être social, économique et environnemental d’ici 2030.

Aujourd’hui, en à peine 0,04 secondes, Google nous dit – de façon non-exhaustive – que le bonheur fait sa loi, qu’il a un prix, que pour être heureux il faut se taire, qu’il n’y a pas de recette miracle, qu’il dépend de notre personnalité, que c’est un leurre, une question existentielle, une chance, un état de complète satisfaction, un besoin de justice sociale, etc.

Le rôle des neurotransmetteurs

Les chercheurs en neurosciences nous expliquent comment nous réussissons à vivre en paix, à être en relation, à fabriquer un conflit. Nos perceptions sont traitées et régulées par divers processus cérébraux qui identifient, élaborent et influencent nos réactions. Ainsi, nous faisons d’habitude référence aux faits, aux comportements, aux séquences observables des événements. Mais, le plus souvent, nous ne tenons pas compte du fait qu’en réalité, ces informations sont câblées, traitées, régulées par un système complexe de réseaux neuronaux par lesquels notre psychisme résout, et même transforme, transcende notre vécu, passant par la voie de nos cinq sens et finissant par être exprimé en comportements. La neuro-imagerie fonctionnelle permet l’exploration approfondie des activités cérébrales. Une des tendances de la recherche est de donner une place au phénomène neurochimique. Ainsi, certains circuits neurologiques, considérés isolément, sont répondeurs à des neurotransmetteurs ou hormones spécifiques, et il est possible de les déclencher par l’excitation ciblée de certains noyaux cérébraux.

Notre cerveau a un rôle important dans la régulation de notre humeur, de notre bien-être. La dopamine et la sérotonine, l’ocytocine et l’endorphine nous intéressent particulièrement dans notre tentative de compréhension du bonheur. La dopamine est le neurotransmetteur de la motivation et de la récompense par excellence. Elle augmente quand nous nous fixons des objectifs et pas seulement quand nous les atteignons. La sérotonine régule l’humeur, d’où l’importance de se rappeler les moments heureux actuels ou passés. L’ocytocine est liée aux liens sentimentaux et nous permet de tisser des relations et de faire confiance. L’endorphine est connectée à la perception de la douleur, tel un analgésique. Paradoxalement, le rire, par exemple, permet d’augmenter son niveau et de se sentir plus heureux. C’est clair, le cerveau se mêle de tout !

Existe-t-il une science du bonheur ?

Pour trouver une réponse à notre question initiale, découvrons les résultats du Harvard Study of Adult Development (2), recherche hors norme sur le bonheur car entamée en 1938, elle perdure encore aujourd’hui en 2021 !

Notre bonheur pourrait dépendre de nos gènes, certains d’entre nous étant plus prédisposés que d’autres à être heureux, optimistes de par les choix de vie accomplis. Mais quels sont les bons choix pour trouver le bonheur ? Le plus souvent, l’être humain pense que la richesse, la réussite professionnelle, la célébrité peuvent le rendre heureux.

L’étude a suivi 724 hommes depuis l’âge de l’adolescence en 1938. Des hommes de divers horizons économiques et sociaux, un premier groupe venant des quartiers les plus pauvres de Boston et un second groupe composé d’étudiants de deuxième année de l’université de Harvard. Désormais, elle interroge la deuxième génération des participants (plus de 2 000 descendants âgés entre 50 et 60 ans en 2018). Au fil des ans, les chercheurs ont collecté nombre d’informations sur la santé des participants (bilans médicaux, scanners, etc.). Ces derniers ont aussi répondu année après année à des questionnaires sur leur travail, leur vie familiale, sociale. Les recherches ont aussi mobilisé quatre générations de chercheurs jusqu’à présent, dont actuellement le professeur Robert Waldinger, médecin psychiatre, enseignant à la Medical School de Harvard. (3)

Les leçons de cette étude

Point de richesse, de gloire ou de réussite professionnelle ! Ce sont les bonnes relations qui rendent l’être humain plus heureux. Retenons ceci :

  •  plus nous sommes en lien avec nos familles, nos amis, intégrés dans des cercles sociaux, plus nous sommes heureux et en meilleure santé psychique comme physique, augmentant ainsi même notre espérance de vie.
  •  ce qui compte, ce n’est pas notre nombre d’amis ou si nous sommes engagés dans une relation, mais plutôt la qualité de nos relations. Nous déclenchons ainsi une stimulation mentale et émotionnelle, génératrice d’humeur automatique, alors que l’isolement brise l’élan vital.

Quand les participants ont atteint leurs 80 ans, les chercheurs ont réétudié les résultats des études menées quand ils en avaient 50, afin d’évaluer s’ils pouvaient prédire qui allait être un octogénaire heureux. Les résultats ont été sans appel : de bonnes relations nous protègent ! L’imagerie cérébrale fonctionnelle confirme qu’une dévalorisation relationnelle a le même point d’impact qu’une douleur physique, au point de percuter profondément tant le raisonnement que les émotions et les comportements.

Ainsi, des stimuli sociaux positifs, comme des signes de respect, l’inclusion dans la coopération, les partages généreux, peuvent activer des réseaux neuronaux de plaisir physique et psychique, stimuler le comportement coopératif. Tandis que tout stimulus social négatif, par exemple une injustice, une dévaluation, une mise à l’écart, est ressenti, consciemment ou inconsciemment comme plus grave dans l’anticipation des conséquences négatives vitales. La façon dont le statut personnel est appréhendé influe sur la capacité d’empathie et les tendances altruistes se manifestent différemment selon la perception de l’appartenance au groupe et la reconnaissance du statut socio-économique.

N’oublions pas que, lorsque des situations positives sont vécues ou réactualisées par la mémoire, notre cerveau tend à faciliter l’établissement et la préservation d’un statut social sûr et confortable à tout moment.

Nous possédons tous une capacité variable à nous sentir heureux. Le constat est sans appel : pour notre cerveau, donner est bien supérieur à recevoir ! Et si nous trouvions le bonheur en ne “laissant personne venir à nous et repartir sans qu’elle ne soit plus heureuse”  (4)?

Sylvie Mischo Fleury

Sylvie Mischo Fleury est docteure en psychologie, médiateure.

(1) Il est où le bonheur, Christophe Maé, paroles de Christophe Martichon et Paul Ecole, © Warner Chappell Music France.
(2) www.news.harvard.edu
(3) What makes a good life ? Lessons from the longest study on happiness,  https://youtube.be/8KkKuTCFvzl
(4) Mère Teresa.

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