Les Etats Généraux de la Médiation – 15 Juin 2018

Les Etats Généraux de la Médiation à l’Assemblée Nationale
15 Juin 2018

Comme si vous y étiez … !

La médiation est une culture, un état d’esprit nouveau et bien au-delà un projet de société à développer pour remettre l’humain au cœur de la résolution des conflits.

Promouvoir les modes amiables de résolution des différends, rassembler les différentes associations de médiateurs (1)  pour que unies et représentées par une instance fédératrice, elles aident le législateur à donner à la médiation toute sa place dans les lois de modernisation de la justice du 21e siècle.
La France est une société dans laquelle prévaut la culture de conflit. Que la médiation devienne un réflexe naturel au lieu et place du contentieux où les parties s’en remettent au juge pour « trancher des litiges ».
Ces états généraux de la médiation, présidés par Gabrielle PLANES et Bertrand DELCOURT, en présence de grands témoins de renom et des députés Frédéric PETIT et Philippe LATOMBE, ont donné lieu à une consultation d’un ensemble de professionnels de la médiation et d’acteurs de la Justice. Ils seront conclus par la rédaction d’un livre blanc qui, signé par le collectif « Médiation 21 », sera remis au service de la justice et du législateur.

Cette chronique d’INTER-médiés donne un résumé de cette journée comme si y étiez … !
Chaque intervention des grands témoins qui portait sur un thème précis était suivie :
– De la synthèse des réponses aux questionnaires soumis à un large public avant ces états généraux,
– De débats avec l’assistance,
– De propositions de solutions ou d’actions concrètes pour recueillir l’avis de l’assemblée.

1-  Louis SCHWEITZER (ancien Président de Renault, de la HALDE, Président d’Initiative France) et Jacques FAGET (Directeur de recherche au CNRS, médiateur) abordent l’éthique et la déontologie de la médiation.
La déontologie rassemble un corps de règles ; l’éthique nous amène à réfléchir sur ces règles pour les éclairer et aller même au-delà de celles-ci. La déontologie n’a de sens que vis-à-vis des valeurs auxquelles le médiateur doit adhérer (humilité, loyauté, liberté, neutralité, responsabilité … ).  L’éthique contient une dimension morale individuelle mais ne saurait être limitée à cette seule dimension. Il est nécessaire d’élargir son champ et de penser valeurs, croyances, vision du monde. Vision humaniste de résolution des différends où les individus sont maîtres de leur destin. Vision politique de la médiation qui met en acte le principe d’une disposition participative.
Questions ouvertes : Etablir la communication entre les médiateurs ; lever la confusion sémantique quand tout le monde se dit médiateur ; avoir une définition commune de la médiation ; développer un code de déontologie commun ; créer une représentation unifiée des médiateurs vis-à-vis de l’état : développer une procédure d’agrément ? créer un ordre des médiateurs ou toute autre forme fédératrice face aux autres institutions ? Mettre en place un comité d’éthique ?

2-  Jacqueline MORINEAU (fondatrice du CMFM, formatrice à la pratique de la médiation interpersonnelle humaniste) nous donne sa vision de la médiation.
La société est aujourd’hui en mutation. La violence, l’individualisme se développent. Nous avons besoin de chercher l’harmonie et la solidarité. La médiation ouvre un autre horizon, une capacité d’espérance et de bonheur. Osons entendre le cri de la souffrance. Donnons la parole aux personnes en conflit. Changeons notre vision du monde en crise, du sens de la vie. La médiation, à travers le fond du conflit nous permet de renaître !

Philippe Charrier (chercheur associé au centre Max WEBER – CNRS université de Lyon, responsable pédagogique Master et DU de médiation Lyon 2) aborde la thématique de la formation.
Les textes actuels ne précisent pas clairement la formation exigée pour être médiateur. Il y a une réelle ambiguïté. Un bon juriste est-il un bon médiateur ? Toute personne d’expérience pourrait-elle se substituer à un médiateur ?
Les recommandations à proposer devront définir :
Le contenu d’une véritable formation professionnalisante. Quelles disciplines ? combien d’heures requises pour une formation générale et pour certaines spécialités. Agrément des centres de formation ? Reconnaissance du diplôme ? Formation continue nécessaire pour pouvoir poursuivre l’exercice de la profession, sous quelle forme ? …
Outre la formation des médiateurs, il faudrait former les juristes à la prescription de la médiation tant dans le monde judiciaire qu’en entreprise. Former à la culture de la médiation dans les écoles du plus jeune âge aux établissements de l’enseignement supérieur. Former les acteurs du monde judiciaire à orienter les médiés vers le mode amiable de résolution des différends. Communiquer, communiquer …

3-  Jean-Pierre HERVE (Médiateur du groupe ENGIE, médiateur de la consommation) et Fabrice VERT (Premier Vice-Président du tribunal de grande instance de Créteil) abordent le thème de la spécialisation et des modalités qui doivent s’y rattacher.
Quelques sujets de réflexion :
Peut-on imaginer une résolution de conflit uniquement par le biais de sites web?
Alors que la médiation ne se met en place que très progressivement et n’est pas entrée dans les mœurs, peut-on imaginer que le tout numérique résoudra les problèmes avec satisfaction pour les intéressés ? Les médiateurs du groupe ENGIE appellent systématiquement les plaignants pour avoir un contact direct, pour comprendre quel est le ressenti des personnes, le fond du problème et ne se contentent pas que de l’analyse des pièces transmises.
Une médiation basée sur les rapports humains peut-elle se passer de tout dialogue direct ?

Comment choisir un médiateur par rapport à une liste si le magistrat ne connait, ni son niveau de formation, ni son expérience et compétences face à une problématique posée ?
Un médiateur généraliste peut-être un excellent candidat quant au contraire, dans d’autres litiges,  il faudra avoir une expérience métier, une spécialisation. Les listes actuelles en cours d’élaboration n’apportent pas de réponse claire.
La conséquence pourrait être la non sélection de médiateurs par rapport à des critères de choix précis, mais comme bien souvent par rapport à la renommée de tel ou tel …
Il faut clarifier les choses et lever les ambigüités. Il faut une politique de Cour, une volonté de juridiction une impulsion d’en haut.

4- Les interventions de Laurent DES BREST (Président du GSPJ) et d’ERIC BLANCHOT (Directeur général de Pro-Médiation) seront suivies de discussions autour du statut du médiateur.
Sont abordés la certification, l’agrément, la formation initiale, la formation continue, l’harmonisation des compétences pour les médiateurs actuels qui n’auraient pas le niveau de formation requis, les exercices de pratique pour se maintenir à niveau …
Il faut que les médiateurs accroissent leur crédibilité, soient reconnus pour leurs compétences et savoir-faire.
Il s’agit de donner au médiateur une reconnaissance institutionnelle, une représentativité unifiée.
Pour autant, les médiateurs en perdraient-ils leur indépendance comme certains l’ont souligné ?

5- Benoît DESVEAUX (Conseil en communication, membre du Directoire et Directeur Général de HOPSCOTH Groupe) et Claude AMAR (Médiateur, IFCM, Président de l’académie de la médiation) nous présentent les bases d’un plan de communication à développer.
A titre d’exemple questions à se poser :
Quels sont les représentants de la campagne et qui doit porter le message ?
Quels sont les enjeux et les objectifs ?
Quels sont les messages à transmettre ?
Quels sont les vecteurs de la communication ?
Quels sont les publics visés ?
Quels modes de financement ?
Session interactive avec les participants qui faisaient en direct leurs propositions.

6- Jean-Pierre VOGEL-BRAUN (Président de la Chambre de l’urbanisme au Tribunal Administratif de Strasbourg) et Béatrice BLOHORN BRENNEUR (précédemment Médiatrice du Conseil de l’Europe, Présidente du GEMME) débattent ensuite des modalités de désignation du médiateur.
Il est rappelé que tout repose sur la qualité et la crédibilité du médiateur. Quand on veut démontrer la pertinence de la médiation face à un litige, il n’est pas envisageable de désigner un médiateur qui n’aurait pas les qualités, la crédibilité et les compétences requises.
Les médiateurs doivent tous avoir un même niveau de formation. Une certification s’impose ainsi qu’une instance de contrôle de cette certification.
Les associations de médiateurs ont un rôle clé à jouer. Elles ne devraient prendre que des médiateurs correspondants aux critères requis ou les former pour atteindre le niveau demandé et assurer leur formation continue.
Un médiateur non rattaché à une association ne sera pas crédible.
Pour atteindre ce niveau de crédibilité et l’expérience en médiation nécessaire, l’assistance demande que les juges favorisent la co-médiation.

7- Lise CASAUX-LABRUNÉE (Professeur à l’université Toulouse Capitole, Directrice du master 2 droit du travail et emploi, Directrice du DU contentieux du travail ) et Frédéric PETIT (Député des français établis en Allemagne, en Europe centrale et aux Balkans ) clôturent les échanges et les débats avec l’assistance de cette journée.

Ces Etats Généraux de la Médiation sont un moment fédérateur important de l’histoire des médiateurs et montrent votre capacité à vous mobiliser ensemble. Il en va de votre représentativité et de votre crédibilité si vous voulez peser auprès des pouvoirs publics.
Nous devons apporter notre réflexion et nos propositions en regard du projet de loi de programmation 2018 – 2022 et de réforme pour la justice. Le droit n’est pas la seule solution pour régler les conflits.
Que l’on regarde ce qui se passe au niveau international. Appliquons ce qui « marche » ailleurs !

Soyons pragmatiques, n’opposons pas les Modes Amiables de Règlement des Différents les uns par rapport aux autres. A chaque problème sa solution et son mode de résolution.
Il faut être intransigeant sur la qualité, les compétences et le savoir-faire des intervenants.

La rédaction du livre blanc qui sera proposé par le collectif « Médiation 21 » est fondamentale pour faire connaître et valoriser nos atouts.

Deux mots clés : Culture et confiance.
Faire de la médiation un mode naturel et évident de règlement amiable des différends.
Donner confiance aux prescripteurs et aux justiciables.
Il faudra créer une forme fédératrice des médiateurs : un Ordre ? un Conseil National de la Médiation ? ou toute autre forme représentative …

Les défis qu’il faut relever pour développer une justice de qualité et auxquels nous devons contribuer par le biais de ces états généraux sont l’obtention :

– D’un vrai plan sur la justice amiable dans son ensemble
– D’un droit du règlement amiable des différends.

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Le mot de la fin sera laissé à Olivier Bernard (universitaire, enseignant en sémantique, techniques d’expression, communication et management) qui nous a ravi par ses jeux de mots entre chaque intervention :

« Que le D de solidaire l’emporte sur le T de solitaire ! »

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Ces états généraux de la médiation ont été tenus avec beaucoup de professionnalisme et ont été d’une grande qualité. Ils ont été perçus par les participants comme un évènement fondateur pour donner toute sa place à la médiation dans la justice du 21e siècle.
Merci à l’équipe organisatrice et aux intervenants !

                                                      Jean-Pierre NARBONNE

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(1)  Associations de médiateurs participantes :
AME, ANM, APMF, CEMIC, Centre de médiation des Notaires de Paris, CIMAE, CMFM, CMIM, CNPM, FFCM, GEMME, GSPJ, IFCM, Maison de la communication, Médiation 21, Planet Mediation, Promediation, RME, SYME.

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