L’écoute empathique

Parler est un besoin, écouter est un art (Goethe)

Dans cette boîte se trouvent quelques notions choisies de l’écoute empathique, un outil puissant qui permet de mieux communiquer et d’éviter les conflits.

Combien de discussions stériles où chacun défend âprement son point de vue pour s’apercevoir, in fine, qu’ils ne parlaient pas de la même chose, voire même qu’ils étaient d’accord mais ne s’exprimaient pas de la même façon. Au mieux, on pratique une écoute projective en n’entendant que ce qui résonne dans notre propre cadre de référence, ou adhésive en n’entendant que ce avec quoi l’on est d’accord ; au pire, on pratique une écoute passive du cause toujours ou évaluative propre aux attitudes de Porter (évaluation, interprétation, investigation, solution, consolation). En d’autres termes, au lieu de prendre le temps d’écouter l’autre on cherche surtout à s’en faire entendre : la communication dégénère et le conflit apparaît.

Or, il existe une manière d’écouter qui favorise l’entente dans tous les sens du terme : l’écoute empathique, conceptualisée par Carl Rogers, psychologue américain humaniste (1902–1987) dont s’est inspiré Marshall Rosenberg en modélisant la Communication non violente (CNV). Initialement technique d’accompagnement thérapeutique (1), l’écoute empathique offre un intérêt majeur pour tous ceux qui souhaitent bien communiquer et gérer au mieux les conflits. De quoi s’agit-il exactement ?

L’empathie

Du grec en-pathéia, l’écoute empathique désigne la capacité de s’inscrire dans le monde subjectif d’autrui avec sensibilité, acuité, douceur, respect, neutralité et bienveillance pour le comprendre de l’intérieur en laissant de côté ses propres valeurs, croyances et besoins : la compréhension empathique est une « compréhension avec une personne et non à son sujet » (2). Précisons que, loin de toute contagion sentimentale, l’empathie ne saurait être confondue avec la sympathie, la compassion ou la pitié : « Sentir le monde privé du client comme s’il était le vôtre, mais sans jamais oublier la qualité du comme si – telle est l’empathie » (3).

Une écoute active

Ingrédient majeur dans le processus de communication non violent, l’écoute empathique est aussi appelée écoute active et implique huit comportements :

  1. être dans une posture d’ouverture, accueil, disponibilité et attention
  2. Faire silence pour pouvoir accueillir les mots de l’autre
  3. Donner des signes d’intérêt pour encourager la personne à poursuivre
  4. Regarder la personne et se mettre au diapason de son attitude
  5. écouter les mots clefs de la personne et les reprendre
  6. Se synchroniser avec son état émotionnel
  7. Poser des questions ouvertes de clarification
  8. Reformuler

Les vertus de l’écoute empathique

Se connecter à l’autre d’un point de vue émotionnel
Se connecter à ce qui est vivant en lui.(4)

Comprendre l’autre dans son propre cadre de référence
Entrer dans le monde personnel et intérieur de l’autre tel qu’il le perçoit. (5)

Montrer à l’autre qu’on l’a compris
Quand une personne souffre trop pour entendre les besoins de l’autre, nous lui donnons de l’empathie, en prenant tout le temps nécessaire pour qu’elle sache que sa douleur a été entendue.(6)

Clarifier les besoins profonds derrière les positions affichées
écouter le message qui se cache derrière le non nous aide à comprendre les besoins de l’autre. Quand il dit non, il dit qu’il a un besoin qui l’empêche de dire oui à ce que nous demandons. (7)

Gagner en tolérance
Ma compréhension de ces individus leur permet (…) d’accepter leurs propres craintes, leurs idées bizarres, leur sentiment du tragique de la vie et leur découragement ainsi que leurs moments de courage, de bonté, d’amour et de sensibilité. (8)

Gagner en conscience
C’est comme si la carte de l’expression des sentiments en était venue à correspondre de plus près au territoire de l’expérience émotionnelle réelle. (9)

Favoriser l’intercompréhension
Tout être est une île, au sens le plus réel du mot, et il ne peut construire un pont pour communiquer avec d’autres îles que s’il est prêt à être lui-même et s’il lui est permis de l’être. (10)

Favoriser l’auto-empathie
Mon intervention est plus efficace quand j’arrive à m’écouter et à m’accepter et que je peux être moi-même. (11)

Favoriser le changement
Quand j’ai été écouté et entendu, je deviens capable de percevoir d’un œil nouveau mon monde intérieur et d’aller de l’avant. (12)

Sortir d’une logique binaire
Lorsque les participants à une discussion se rendent compte qu’ils sont compris (…) il n’est plus nécessaire de conserver l’attitude de celui qui déclare : J’ai raison à 100 %, tu as tort à 100 %. (13)

Favoriser une solution amiable
La solution est obtenue en créant une situation dans laquelle chacune des différentes parties arrive à comprendre l’autre du point de vue de l’autre. (14)

Point de départ de toute communication réussie, l’écoute empathique est un « art de la présence » par lequel chacun peut s’inscrire dans une relation pacifiée de personne à personne : « Il n’est en aucune manière plus facile d’accepter vraiment une autre personne que de la comprendre. » (15)

Nulle surprise à ce que l’écoute empathique soit au cœur de la médiation, comme le montre le témoignage suivant : « Je voulais vous remercier pour l’importante séance de ce jour (…) parce qu’elle m’a permis de retrouver une voix, d’exprimer et de faire entendre ce qui ne l’était plus. (…) Vous avez remis en route quelque chose qui, bloqué chez moi, bloquait aussi la relation et la communication, et va redonner de la vitalité, là où je m’épuisais littéralement. Je vais pouvoir me remettre debout. » 

Catherine EMMANUEL

(1) Approche centrée sur la Personne.
(2, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15) Le Développement de la personne, de Carl Rogers, InterEditions
(4, 7) Les Mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), de Marshal Rosenberg, éd. La Découverte

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