Le médiateur au pays du possible

Les travaux et techniques de chercheurs et praticiens tels que Steve de Shazer (pionnier de la thérapie centrée sur les solutions), Milton H. Erickson (pilier de la nouvelle hypnose thérapeutique) – pour ne citer qu’eux – offrent aux médiateurs la possibilité d’une approche diversifiée dans leur pratique d’analyse, de gestion et de résolution de conflit.

N’oublions pas :

  1. Dans l’histoire du conflit que le médié relate, il y a des comportements qui sont induits par l’image qu’il se fait du monde,
  2. Si la difficulté a escaladé en conflit, c’est parce que – pour le client – la seule chose à faire était ce qu’il a décidé.

Voici quatre techniques (parmi d’autres) extraites de la boîte à outils des thérapies brèves orientées solutions.

La balance décisionnelle ou balance motivationnelle.

Comment déclencher la motivation d’une personne à tenter la médiation ? On peut penser que c’est simple : voilà les avantages et les inconvénients à ne pas y aller. Le médiateur peut se dire que les gens vont faire un choix rationnel… Mais justement, à quel moment arrêter d’expliquer pour ne pas déclencher une réactance psychologique (mécanisme de défense mis en œuvre par un individu qui tente de maintenir sa liberté d’action). Comment le médiateur peut-il obtenir l’accord des parties à venir en médiation ?
Les recherches nous disent que pour faire un choix il faut qu’on ait d’abord une motivation intrinsèque. La technique de la balance décisionnelle est simple. Le médiateur pose 4 questions dans un ordre précis :

  1. Quels sont les avantages à ne pas venir en médiation ?
  2. Quels sont les inconvénients à ne rien faire, à ne pas venir en médiation ?
  3. Quels sont les avantages à choisir la médiation ?
  4. Quels sont les inconvénients à venir en médiation ?

La technique peut être utilisée à n’importe quel moment de la médiation quand les parties ont besoin de faire un choix. Pour susciter l’engagement de la personne, mieux vaut lui permettre de prendre le temps d’évaluer chaque option et d’accueillir son ambivalence.

Les exceptions, séquences vidéo, le premier pas et les points communs.

Pour quelqu’un habitué à répéter le même comportement face à son problème, à tourner en rond en ressassant le passé source de ses difficultés, le fait de questionner et d’orienter ainsi son attention vers des solutions possibles peut générer un vrai changement de qualité de vie. La stratégie consiste à faire découvrir au médié qu’il a déjà réussi à résoudre son problème ponctuellement ou temporairement, sans s’en rendre compte. C’est ce qu’on appelle la recherche et valorisation des exceptions ou expériences ressources.
Les personnes ont tendance à déformer émotionnellement et considérer hors contexte (généralisation, distorsion, suppression) leur problème au lieu de le considérer dans ses séquences pratiques concrètes, comme une analyse de séquences vidéo qui permet de localiser précisément les séquences modifiables. Dans cette optique constructive, le médiateur accompagne la personne à découvrir le premier pas possible, même le plus petit, vers un changement.
Une autre technique de travail : la recherche des points communs entre les parties. Il y en a toujours !

L’injonction paradoxale.

Plutôt qu’une définition, voici deux exemples :

– Madame X. ne supporte plus les critiques incessantes et quotidiennes de son mari. Elle adore les animaux. Elle a un chien. Elle est très indulgente. La réflexion lui permet de redéfinir la relation à son mari à un niveau supportable, voire amusant : les chiens aboient, les chats miaulent, les maris râlent. Où est le problème ?

– Au Japon, un village sur le littoral. Un paysan gravit la montagne pour travailler dans sa rizière. Il aperçoit au loin un mur d’eau : un tsunami. Il sait qu’il n’a pas le temps de courir au village prévenir les villageois. Crier ne sert à rien, ils ne l’entendraient pas. Alors il incendie les rizières. Les villageois accourent pour éteindre le feu. Ils sont tous sauvés.

La question à échelle

C’est un outil important pour le médiateur quand il s’agit d’évaluer le chemin parcouru et de choisir la prochaine étape. Il peut arriver en discutant avec les parties, que le médiateur ait le sentiment que la situation évolue mais que les personnes ne semblent pas vraiment réaliser le progrès réalisé. C’est le bon moment pour poser la question à échelle :
–  Sur une échelle de 1 à 10, si 1 est le moment avant le début des discussions en médiation et 10 le moment où vous êtes 100 % satisfaits, quel chiffre choisissez-vous, maintenant ?
Le médié va peut-être répondre 5. Le médiateur accueille cette valorisation et répond « ah oui, déjà à 5 ». Le médié peut expliquer qu’il sent que ce n’est pas tout à fait réglé mais qu’il a pu s’expliquer. Ou bien, il peut dire qu’il reste encore du chemin à parcourir mais qu’il comprend que chacun est là pour trouver une solution.
Notre dialogue intérieur influence directement la perception que nous pouvons avoir de la réalité. A mesure que le médié va nommer les signes concrets qui prouvent que du chemin a été fait, il va aussi se convaincre qu’il avance. Cela devient une sorte de « carburant » pour la motivation.
Le médiateur pose une deuxième question : « Que faudrait-il pour monter au minimum jusqu’à 6 ? ». L’objectif ainsi posé est de travailler à améliorer (non pas transformer) la situation. En posant cette question, le médiateur va créer un deuxième souffle à l’entretien et qui va permettre aux parties de rechercher des options réalistes et réalisables en ayant un minimum de satisfaction au fur et à mesure qu’ils avancent.

La question miracle

Elle permet de créer des options pour l’avenir. La question (« et si… ») est stratégique car elle crée une projection vers un futur où le conflit est déjà réglé :
–  Quand le conflit sera réglé, qu’est-ce qui va être différent pour vous ? Qu’est-ce que vous allez faire ? Comment allez-vous vous sentir ?
Plus on a une attente spécifique qu’il va se passer quelque chose et plus nos comportements vont s’aligner sur cette attente.
Le médiateur peut poser la question à tout moment du processus de médiation.

Sylvie Mischo Fleury
Docteure en psychologie et médiateure

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