Combien coûte une médiation ?

Certains auraient tendance à croire que ce prix se résume à la seule rémunération du médiateur. Fort de son expérience, Dominique Volut nous fait comprendre qu’il n’en est rien.

L’enjeu de cet article n’est ni d’évoquer l’absence d’uniformité de la rémunération, ni le juste montant des honoraires de médiation, mais d’interroger le présupposé selon lequel accepter une médiation pourrait être moins coûteux financièrement pour les participants que d’épuiser leur litige devant les juridictions. En effet, pour les différentes parties prenantes, aux honoraires du médiateur s’ajoutent souvent les honoraires des conseils, l’ensemble définissant le coût financier de la médiation. Celle-ci peut être conventionnelle, obligatoire ou ordonnée par le juge. Il est aisé de comprendre que la décision de recourir à une médiation, quel que soit son type, tient compte de ce calcul.
Parfois, ce raisonnement est facilité par le fait que l’un ou plusieurs participants possède(nt) une protection juridique pouvant prendre en charge, non seulement les honoraires du médiateur, mais aussi ceux des conseils. Toutefois, ces mutuelles ou assurances de protection n’ont pas une politique uniforme de prise en charge des médiations. De plus, certaines grilles de protection juridique favoriseront davantage la prise en charge totale d’une stratégie basée sur le contentieux, avec des montants pour une résolution amiable non corrélés aux tarifs proposés par un médiateur et/ou par un avocat accompagnant, formé aux modes amiables de règlement des différends.
Néanmoins, dans d’autres cas, certains participants peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle. Le décret n° 2023-1299 du 28 décembre 2023 a modifié l’article 100 du décret n° 2020-1717 du 20 décembre 2020 en créant un minimum de rétribution pour les médiateurs intervenant à ce titre. Le magistrat taxateur peut désormais fixer la rétribution du médiateur relevant de l’aide juridictionnelle entre un minimum de 128 euros hors taxes et un maximum de 256 euros hors taxes lorsqu’une seule partie bénéficie de cette aide. En cas de pluralité de parties bénéficiaires, le montant total de la rétribution est fixé entre un minimum de 256 euros hors taxes et un maximum de 512 euros hors taxes. Ledit décret revalorise également la rétribution des avocats au titre de l’aide juridictionnelle dans le cadre de la médiation judiciaire, des pourparlers transactionnels, de la procédure participative et de l’audience d’homologation.
Toutefois, ces rémunérations demeurent faibles par rapport à la prise en charge de contentieux à l’aide juridictionnelle. Cela peut se révéler contre-productif et dissuader des avocats et des médiateurs d’accepter de telles missions rémunérées par ce biais. Néanmoins, le coût d’entrée peut également dissuader certains participants d’accepter la médiation.

La rémunération de l’avocat accompagnateur à la médiation
La stratégie de l’avocat n’est pas toujours orientée vers la médiation ou vers un mode amiable de règlement des différends (art. 8-2 du Règlement intérieur national des avocats). Parfois, elle est ordonnée par le juge. Or, l’avocat peut estimer que la stratégie contentieuse sera meilleure. Dans ce cas, ce dernier n’anticipe pas toujours les honoraires qu’il pourrait proposer à son client pour l’accompagner en médiation, si celui-ci estime nécessaire d’y recourir. La relation entre le client et son avocat étant basée sur la liberté et la confidentialité, il n’existe aucune obligation de prévoir en amont une convention d’honoraires pour l’accompagnement en médiation. Lorsqu’elle est proposée par un juge, cela nécessite de la part de l’avocat une pédagogie pour expliquer à son client que ses honoraires d’accompagnement en médiation ne s’ajoutent pas à ce qui était prévu, car ils permettront d’avoir une chance de trouver plus rapidement un accord durable dans l’intérêt de chacun des participants. Cela suppose que l’avocat explique son coût et sa méthodologie pour justifier son accompagnement en médiation.
Par ailleurs, en listant précisément les opérations de son accompagnement, l’avocat est sans aucun doute un artisan de qualité dans la prescription de la médiation, en permettant au processus de démarrer sur de bonnes bases. Bien expliqué et accepté, l’honoraire de l’avocat accompagnant n’est plus un obstacle à l’entrée en médiation.

La rémunération du médiateur
En dehors des médiations institutionnelles, le médiateur “libéral” détermine sa rémunération. Il peut aussi proposer des honoraires différenciés selon les participants de la médiation, tenant compte des moyens de chacun. Cette question de la rémunération doit être abordée d’emblée, au moment d’amorcer la médiation. Tout comme l’avocat, le médiateur a tout intérêt à lister les actions de sa mission et à estimer le temps qu’il consacrera à l’ensemble de ses tâches. Il peut, pour ce faire, recourir à une charte permettant de détailler aux participants toutes les étapes de ce processus, afin d’obtenir leur accord. Cet effort pédagogique est non seulement nécessaire pour expliquer aux différentes parties prenantes le contenu de la médiation, mais cela lui donne aussi une plus grande crédibilité dans son rôle de tiers.
N’étant ni juge, ni arbitre, ni expert, ni conciliateur, le médiateur se doit d’expliquer son rôle de tiers et toutes les actions qu’il mène en tant que personne neutre dans le cadre d’un litige. En effet, son action ne se résume pas, comme d’aucuns pourraient le penser à tort, à réunir les participants autour d’une table pendant quelques heures. Toute la phase de prise de connaissance et d’analyse du litige dans son entièreté ne doit pas être sous-estimée, tout comme la préparation des entretiens individuels et pléniers. C’est en expliquant son rôle que le médiateur parviendra à justifier ses honoraires auprès des médiés. Cela permettra aussi au processus de démarrer sur de bonnes bases. Le processus de médiation est mis sur de bons rails quand son coût est justifié et accepté par les participants. Les efforts de pédagogie ne sont pas vains et permettent à chacun de bien connaître son rôle, mais aussi de l’accepter.

Dominique Volut
Avocat et médiateur au barreau de Paris, et docteur en droit public.

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